L’un des grands défis du contentieux est de se faire comprendre de manière succincte et efficace.
Si l’objectif est d’être succinct, l’efficacité n’est pas au rendez-vous : les textes courts tendent à supprimer les explications qui pourraient être cruciales pour la compréhension de l’arrêt.
Si l’accent est mis sur l’efficacité, nous tombons dans l’abîme de « l’épuisement des faits et du droit » : de longues pages pour s’assurer que tout est là, expliqué de manière exhaustive au tribunal.
Dans notre recherche de situations réelles, nous avons étudié des processus qui impliquaient des discussions longues et complexes et nous sommes arrivés à deux conclusions :
- La forme écrite n’est parfois pas suffisante pour permettre au lecteur de comprendre pleinement l’affaire, surtout si elle porte sur une question technique qui n’entre pas dans le champ d’application de la loi. Imaginez un débat sur le processus de production du ciment dans lequel la modification chimique de certains éléments de sa composition est déterminante pour la discussion sur les avantages fiscaux. Comment expliquer le moment de la chaîne de production où cet élément change ? Combien de pages (et de vocabulaire complexe) faudrait-il pour expliquer cette question à un juriste ? Certainement beaucoup…
- La formalité essentielle et habituelle dans les cercles juridiques inhibe souvent la créativité dans le développement de nouvelles façons d’engager le dialogue avec le pouvoir judiciaire. Les requêtes et les ordonnances, lorsqu’elles ne suffisent pas à clarifier une question, devraient être enrichies par d’autres formes de communication.
Lorsque nous avons constaté qu’il n’existait pas beaucoup d’autres moyens de communiquer avec le pouvoir judiciaire, en dehors de ceux déjà connus et indiqués dans la loi, nous nous sommes donné pour mission de développer un format qui pourrait contribuer à la rapidité de la procédure, clarifier des questions complexes de manière claire et objective, assurer l’efficacité de la transmission d’informations sans déplaire à ceux qui préfèrent la liturgie.
Certaines données ont guidé nos activités, comme le niveau de rétention de l’information[1] en fonction du format utilisé :
10% de l’information est retenue lorsqu’elle est transmise lors d’une présentation orale
35% dans le cas d’une présentation visuelle
65% lorsqu’une présentation visuelle et orale est utilisée.
En outre, 72 % des juges désignent le nombre excessif de pages comme l’un des plus grands problèmes des requêtes aujourd’hui, ce qui montre qu’un changement de langage est nécessaire, surtout si l’on considère que l’activité du juge dépend de la compréhension de la question controversée dans un contexte de croissance exponentielle du nombre d’affaires.
Après avoir rassemblé quelques possibilités et idées générées par nos équipes techniques et d’innovation, nous avons cherché un cas concret pour tester nos perceptions.
Dans le procès sélectionné, la validité de l’assignation était discutée dans le cadre d’un procès autonome qui a fini par « retarder » la question centrale de l’affaire. En d’autres termes, l’objet du procès, à savoir la véritable douleur de l’entreprise plaignante, a été mis de côté jusqu’à ce que ce débat soit résolu.
À ce stade, 344 jours s’étaient écoulés depuis l’introduction de l’action en justice : plusieurs requêtes et d’innombrables injonctions personnelles et orales avaient été formulées, mais aucune de ces tentatives n’avait suffi à convaincre la Cour de la nécessité de réexaminer l’affaire et de débattre, une fois de plus, des motifs qui avaient conduit à la décision erronée.
Dans le cas des demandes de clarification adressées à la Cour, nous avons ajouté une ressource développée par notre équipe d’innovation : le storytelling, qui consiste à présenter l’essentiel de l’affaire sous forme d’images facilement perceptibles.
La narration reprenait le même récit, les mêmes faits et les mêmes arguments que ceux déjà présentés dans les différentes pétitions et ordonnances, mais sous un angle nouveau.
En mettant en pratique notre suggestion et en appliquant le storytelling au cas spécifique, nous avons permis à la Cour de rouvrir la discussion et de comprendre un point essentiel de l’affaire qui n’était pas bien compris malgré tous nos efforts. Notre objectif a été atteint.
L’excellente réaction non seulement au cas présenté, mais aussi à d’autres cas développés par CHENUT, a confirmé l’importance d’explorer de nouveaux formats de communication pour transformer les résultats négatifs en résultats positifs.
[1] Source 1 : « Presenting Effective Presentations with Visual Aids », ministère américain du travail, OSHA Office of Training and Education, mai 1996.